0237 … Jusqu’À Ce Que L’Orage Éclate.

(Il y a quelques jours Jérém&Nico a fêté ses 6 ans. Merci à vous tous pour votre fidélité et votre soutien. Fabien).

Après cinq semaines pendant lesquelles Jérém n’a jamais voulu que j’aille le voir à Paris, j’ai fini par débarquer chez lui par surprise. Mais une fois à l’appart, j’ai dû faire face à son hostilité et à sa distance. Mais aussi à des appels répétés sur son portable auxquels il n’a jamais voulu répondre. Ce qui m’a rendu suspicieux, inquiet, et m’a valu une nuit très difficile.

Le samedi matin, à cinq heures pétantes, Jérém disparaît dans la salle de bain. Très vite, l’air du petit appartement est saturé par une délicieuse fragrance de gel douche. A 5h15, habillé d’un jeans et d’un simple t-shirt blanc terriblement sexy, les cheveux encore humides, il fait chauffer son café.
Même si je sais que ce n’est vraiment pas le moment, j’ai très, très, très envie de lui sauter dessus.
« Bonjour » je lui lance.
« Bonjour » il lâche sur un ton monocorde.
« Tu as bien dormi, p’tit loup ? ».
« Ouais ».
Je le regarde boire son café et fumer en même temps. Il a l’air stressé au possible. Je voudrais trouver les mots pour le booster comme sait si bien le faire Ulysse, mais je ne sais pas vraiment par où commencer. A force de me dire que je ne capte rien au rugby, Jérém a fini par me décourager de tenter de l’encourager. J’ai l’impression que tout ce que je lui dirais sonnerait affreusement faux.
J’espère vraiment que ce match va bien se passer. Je stresse avec lui.
J’aimerais bien y assister. Je voudrais suivre le jeu de mes propres yeux, m’assurer que tout se passe bien, minute après minute. Bien sûr ma présence ne changerait rien. Mais ça me rassurerait. Et j’aimerais aussi pouvoir croire que ma présence et mon support seraient capables d’encourager Jérém et lui faire oublier un peu son stress.
« J’aimerais bien te voir jouer » je finis par lancer de but en blanc.


« Et comment ? Je ne vais pas t’amener dans mon sac ! ».
Ah bah, voilà une idée qui serait la bonne, moi chaton blotti au milieu de ses fringues, de son gel douche, de son déo, bercé par ses bonnes petites odeurs mâles. Voilà une idée du bonheur !
Blagues à part, je sais que je ne pourrai pas suivre mon Jérém en déplacement à Périgueux et assister au match. Mais j’aimerais bien savoir si, au-delà de l’aspect « discrétion », ça lui ferait plaisir que je sois au bord du terrain comme la dernière fois.
« N’empêche que j’avais bien aimé venir au match la dernière fois, et j’aimerais bien te revoir jouer » j’insiste.
« Et moi j’aimerais surtout que le match se passe bien et sans que je fasse trop de conneries ».
Jérém, ou l’art de botter en touche. J’en déduis que je ne suis pas près de le revoir jouer.
« Oui, je te souhaite que ça se passe pour le mieux » je lui lance, tristement.

[Au fond de lui, Jérémie aimerait bien qu’aujourd’hui Nico soit là, près du terrain, comme la dernière fois. Car sa présence lui donne de l’énergie. En présence de Nico, Jérémie ressent une motivation supplémentaire pour donner le meilleur, c’est celle d’impressionner ce petit gars.
Peut-être qu’il y aurait un train du matin qui pourrait conduire Nico à Périgueux à temps pour le match. Mais ce n’est pas possible. Il ne veut pas que les gars le revoient, surtout pas Léo. Car si ce dernier recommence à lui casser les couilles, à un moment ou à un autre il va lui casser la gueule, et se faire virer du club].

Quelques instants plus tard, Jérém se lève, il passe un pull à capuche gris à zip qu’il ferme jusqu’en haut faisant complètement disparaître le coton blanc qui enveloppe son beau torse. Puis, il att son sac de sport et se dirige vers la porte d’entrée.
Je n’arrive pas à croire qu’il compte partir comme ça, sans un mot, sans un bisou, sans rien. J’ai envie de l’appeler, mais je suis tellement pris au dépourvu que ma gorge est comme paralysée.

Et alors que je me prépare à le voir disparaître comme un voleur, le bobrun se retourne et me lance :
« Tu peux pas savoir comme je suis en stress. J’ai une boule dans le ventre qui me lâche pas ».
Son regard est préoccupé, inquiet. Son assurance légendaire a complètement disparu. Jérém est à fleur de peau, et il a l’air tellement perdu, tellement vulnérable. Il est touchant à un point que je ne peux même pas l’exprimer. C’est très émouvant d’arriver à entrevoir, au-delà de ce magnifique et puissant corps d’athlète, l’ qui a peur d’échouer. Et le fait qu’il soit prêt à partager cela avec moi me fait carrément fondre.
Alors, je me lève, je m’approche de lui, je le serre dans mes bras et lui fais plein de bisous. Je glisse mes doigts dans ses beaux cheveux bruns et je caresse doucement sa nuque.
« Je dois y aller » je l’entends me glisser, comme un soupir.
« Ça va aller, Jérém ».
« Je l’espère ».
« Je penserai à toi toute la journée ».
« Souhaite-moi bonne chance… ».
« Bonne chance mon amour ! ».
« Merci ».
« Vous rentrez quand ? ».
« Je ne sais pas, ce soir, pas de bonne heure je pense ».
« Tiens-moi au courant ».
« Les clefs sont là » il me lance, tout en ouvrant la porte « il y a du café mais le frigo est vide. Il y a une superette plus haut dans la rue… ».
Le bogoss s’apprête à faire demi-tour et à partir pour de bon mais je le retiens.
« Laisse-moi partir ! ».
Je ne l’écoute pas, je l’attire vers moi, je le serre une dernière fois contre moi, je colle mon front contre son front.
« Je crois en toi, et je sais que tu vas réussir » je lui glisse à l’oreille.
Je l’entends pousser un long soupir. J’aime penser que mon câlin et mes mots lui font du bien.
Un instant plus tard, Jérém se dégage de mon étreinte et se dirige vers sa journée pour de bon.
« Envoie-moi un message pour me dire comment ça s’est passé ».
« Ouais ».
« Bon courage ! » je lui lance, alors que la porte se referme derrière lui.

Jérém vient de partir et je me retrouve seul dans le petit appart. Le bruit monotone de la pluie semble me parler de la solitude qui m’attend. Je réalise que je vais passer toute la journée sans mon bobrun.
Mais pour l’heure, j’ai envie de dormir un peu plus. J’ai passé une mauvaise nuit et je n’ai pas envie de me balader dans Paris, et d’affronter le métro, dans cet état. J’éteins la lumière mais j’ai du mal à replonger. Ce n’est qu’après une bonne petite branlette que j’arrive enfin à m’assoupir à nouveau.

Lorsque je me réveille, il est près de 9 heures. Je suis toujours seul dans l’appart, toujours seul avec les questionnements de la veille. Je me demande toujours qui l’a appelé plusieurs fois la veille. J’ai toujours du mal à croire à l’explication des potes l’appelant pour faire la fête, en sachant que ses potes sont ses co-équipiers et que le réveil matinal est le même pour tous.
Il faudrait que j’arrive à cesser de penser à ça, avant que ça me pourrisse la journée. Mais je n’y arrive pas. J’ai l’impression que Jérém me cache quelque chose.
Soudain, quelque chose attire mon attention. Le tiroir de sa table de nuit est légèrement entrouvert. Et il semble me narguer, comme une invitation à aller fouiller dedans. Il suffirait d’un rien pour l’ouvrir un peu plus et entrevoir ce qu’il contient. Il suffirait d’un rien pour fouiller un peu partout dans l’appart.
La tentation est forte, mais je me retiens. Et pour ne pas céder à la tentation, je décide de partir le plus vite possible. Je sors du lit, je me douche en un temps record, je m’habille à l’arrache. Je ne prends même pas de café.
J’en prends un dans un bar, et je me lance à la découverte de Paris.
Mais par où commencer ? Louvre, Orsay, Grand Palais, Sainte Chapelle, Notre Dame (oui, j’ai envie de la revoir), Centre Pompidou, Versailles, Opéra Garnier, Grand Palais, Panthéon, Arc de Triomphe, Montmartre, mais de jour cette fois-ci.
Je n’arrive pas à me décider.
Le fait est que Paris offre tellement de choses à voir ! Mais si je ne tranche pas vite, la journée va passer et je ne vais rien voir.
Je me dis que je devrais sans doute commencer par les « incontournables », dans la mesure où ils sont aussi des « possibles », par rapport à mon temps disponible.
Je me laisse guider par mes envies les plus fortes. Et le choix est rapidement resserré autour de deux propositions.
La raison me dit Joconde, Venus, Victoire, David, Egypte. Bref, le Louvre.
Mais le cœur me dit Manet, Déjeuner sur l’herbe, Monet, Les coquelicots, Renoir, le Bal au Moulin de la Galette. Mais aussi Degas, Cézanne, Gauguin. Bref, le cœur me dit : Musée d’Orsay.
Mon cœur trouvant sur l’instant plus d’arguments que ma raison, je choisis de l’écouter. Bien sûr, j’ai très envie de visiter le Louvre, mais je me dis que j’aurai le temps de visiter à d’autres occasions. Du moins, c’est ce que j’espère de tout mon être.
Dans le métro et dans les rues, la bogossitude du terroir est au rendez-vous. Elle est bienvenue, car elle seule possède le pouvoir de donner un peu de couleur à cette journée grise. Mais comme la veille, je ne suis pas d’humeur pour apprécier le Masculin à sa juste valeur. Car chaque bogoss ou presque, pour un détail ou un autre de sa présence, me renvoie à mon bobrun qui me manque tant.
En marchant sur les bords de Seine, je me dis que la grandeur du paysage urbain parisien est vraiment impressionnante pour le touriste qui le découvre. Et pourtant, tous ces bâtiments monumentaux dégagent une mélancolie presque palpable lorsque le temps est maussade. Et, a fortiori, lorsque la tristesse habite votre cœur.
La première fois où je suis venu à Paris, j’ai été frustré de ne pas avoir le temps de visiter. Cette fois-ci, j’en ai. Je devrais m’en réjouir. Et pourtant, ce n’est pas vraiment le cas. Car ce temps je vais le passer à visiter, certes, mais je vais surtout le passer sans Jérém à mes côtés. J’aimerais tellement qu’il soit avec moi !
Ceci dit, je ne suis pas certain qu’il aurait envie de passer des heures dans un musée, je suis même persuadé du contraire. Mais si Jérém était avec moi, on trouverait autre chose à faire qui conviendrait à tous les deux. Rien que se balader ensemble sur les bords de Seine, ou dans Paris, n’importe où, ce serait génial.
Dans l’ancienne gare parisienne, les chefs d'œuvre de l'impressionnisme sont présentés dans un écrin grandiose. J’en prends plein les yeux et j’adore. C’est tellement différent de voir ces tableaux en vrai plutôt qu’en photo ! Le cadre fourni par cette magnifique bâtisse, le volume des salles, l’éclairage, le silence, le coté solennel de la présentation, tout contribue à mettre ces œuvres en valeur et à les rendre rayonnantes, vibrantes, presque vivantes.
Dans les Coquelicots, la dame à l’ombrelle et l’ qui l’accompagne semblent vraiment descendre le pré entre les deux points marqués par leur double portrait. Dans la série des « Cathédrales » de Rouen, j’ai l’impression de voir les heures d’une journée, et leurs changements de lumière défiler à grande vitesse. Dans le Bal au Moulin de la Galette, les jeux d’ombre et de lumière semblent vibrer au gré des mouvements du feuillage caressé par le vent.
Entre deux tableaux, entre deux intenses émotions esthétiques, je pense à Jérém, à son match, à son stress. A midi je lui envoie un message d’encouragement :
« Merde pour le match ! ».
J’espère qu’il le lira avant la compétition. J’espère que tout va bien se passer pour lui. Je suis partagé entre une immense tendresse à son égard, et la suspicion, le doute, les questions. Je n’arrête pas de me demander qui l’a appelé toutes ces fois la nuit dernière. Pourquoi il n’a pas voulu répondre devant moi ? Est-ce qu’aujourd’hui, avant ou après le match, il a rappelé ce fameux interlocuteur ?
Vers 16 heures, je décide de dire au revoir à Renoir et à tous les autres impressionnistes dont l’œuvre m’impressionne depuis l’adolescence. Un autre endroit parisien semble m’appeler. Un lieu que je connais déjà. Un lieu où j’ai été très heureux. Lorsqu’on est triste, on ressent parfois le besoin de revenir sur les lieux qui ont connu un bonheur passé.
Dans le métro, je me dis que le match de Jérém doit être terminé, ou qu’il va l’être bientôt. Il me tarde de savoir comment ça s’est passé ! J’espère que Jérém va vite me donner des nouvelles !
A Montmartre la pluie est tout aussi triste que sur les bords de Seine. Je me sens de plus en plus triste. La grisaille est un terreau favorable pour entretenir la morosité qui a pris les commandes de mon cœur en cet après-midi de solitude et d’attente. Même la sortie de Métro de style Liberty semble faire la tête.
Je prends le funiculaire, je reviens à Montmartre dans l’espoir de retrouver dans ce quartier atypique les sensations d’un soir d’un mois plus tôt où j’ai été si heureux avec mon Jérém.
Dans les rues, dans les petites places que j’avais parcourues la nuit avec Jérém, tout est gris et détrempé. Les arbres nus ressemblent à des vestiges d’un temps révolu. Les feuilles mortes entassées contre les bordures des trottoirs me font penser aux promesses de mon histoire avec mon Jérém qui semblent ne pas résister au passage des saisons. Nos révisions, le lycée, notre semaine magique, tout cela me semble appartenir à une autre vie. Campan me semble si loin.
Au détour d’une rue, le son vibrant d’un accordéon me prend aux tripes. Un peu plus loin, c’est le cri d’un orgue de Barbarie qui arrive à remuer ma tristesse et à me pousser au bord des larmes. Au coin d’une petite place, un vieil homme grille et vend des marrons dont l’arôme si particulier et invitant se répand très loin.
Le jour se fane déjà et dans la ville en contrebas les feux des voitures dessinent un jeu de lumière qui ressemble à une sorte de sang bouillonnant dans les veines d’un monstre fait de pierre, de béton, de goudron.
La nuit tombe et le froid humide se fait sentir encore plus intensément. J’ai l’impression que cette journée est en train de me glisser entre les doigts, tout comme ma vie. J’ai l’impression que Jérém m’échappe à nouveau, que je vais le perdre à nouveau, et pour de bon cette fois-ci. Mes larmes se mélangent à la pluie fine mais insistante.
Hélas, sous un ciel de plomb, une pluie insistante, un vent froid et harcelant, je ne retrouve rien du bonheur que j’étais venu chercher.
Vers 18 heures 30, je redescends à pied les marches qui séparent l’ancien village de la grande ville en contrebas. Je n’ai toujours pas le moindre message de la part de Jérém.
A l’heure qu’il est, le match doit être terminé depuis un moment. Je commence à m’inquiéter de ne pas avoir de nouvelles. Et je commence aussi à ressentir de la déception pour le fait qu’il n’ait pas pris la peine de m’en donner.
J’essaie de relativiser en me disant qu’il doit être en train de se doucher ou de prendre un verre avec ses potes. Pourvu que son match se soit bien passé, et qu’il soit dans de bonnes dispositions ! Pourvu qu’il ne rentre pas trop tard, car j’ai hâte de le prendre dans mes bras !
Avant de descendre dans le métro, je lui envoie un message pour savoir comment s’est passé le match.
Après lui avoir envoyé, une idée qui me paraît lumineuse traverse mon esprit. Ce soir, je vais lui faire à manger. Comme je le lui ai promis une fois au téléphone. Comme ça, quand il rentrera, il n’aura qu’à mettre les pieds sous la table et se détendre.
Je vais lui préparer des spaghettis carbonara.
Cette idée de lui faire plaisir me met du baume au cœur et semble momentanément anesthésier mes inquiétudes. En faisant les courses à la petite superette dans sa rue, et en me disant que mon Jérém ne va pas tarder à rentrer, mon moral connaît une embellie.
A 19h30, je suis en bas de son immeuble. Mon portable vibre brièvement dans ma poche.
« On est en route ».
Enfin un message de Jérém ! Je trouve quand même adorable de sa part de me tenir au courant.
« Cool. Comment s’est passé le match ? ».
« On a gagné ».
Je suis hyper heureux pour lui. Et pour moi aussi. J’espère vraiment que cette bonne nouvelle va provoquer une embellie dans son humeur et que nous allons pouvoir nous retrouver et fêter ça comme il se doit.
« Super ! Je suis fier de toi ! Je le savais que tu allais y arriver ! » je lui réponds.
« Tu penses rentrer vers quelle heure ? » j’enchaîne.
« Je ne sait pas, on va feter ça avec le gars ».
J’ai toujours trouvé très touchants ses sms bourrés de fautes de français, et a fortiori depuis que je sais pour sa dyslexie.
Ah oui, évidemment. Il faut bien fêter ça. Bien sûr, ça me fait chier de passer la soirée seul, alors que j’ai déjà passé la journée seul. Mais je ne veux pas faire d’histoires, car je me dis qu’il mérite bien ça, fêter la victoire avec ses coéquipiers.
« Me tarde de te voir ».
Je passe les deux heures suivantes à regarder des programmes sans intérêt à la télé. J’ai faim. Mais comme je ne sais pas à quelle heure il va rentrer, j’attends. A 21h30, je n’en peux plus. Je mets l’eau des pâtes à bouillir. 21h45 je plonge les spaghettis et je prépare la sauce. 22h05 j’égoutte les pâtes. Oui, des bonnes pâtes, ça se fait attendre. 22h07, elles sont prêtes à manger.
Je suis fatigué, j’ai faim. Je craque, je mange ma part de pâtes. Je me sens seul et triste. 23 heures, Jérém n’est toujours pas là. Minuit non plus. Le tiroir de la table de nuit me nargue de façon de plus en plus effrontée. La tentation est de plus en plus forte. Une petite voix en moi me répète que peut-être que le contenu de ce petit tiroir pourrait me fournir des éléments de réponse sur l’identité du mystérieux auteur de tous ces coups de fil à Jérém qui ont gâché ma nuit et ma journée. Mais au fond de moi j’ai peur de ce que je pourrais trouver. J’ai peur d’avoir mal, très mal.
Mais je ne dois pas céder. Je dois lui faire confiance. Si Jérém me cache des choses, je ne veux pas le découvrir de cette façon. Et puis, il n’est pas con, s’il a des trucs à cacher, ce n’est pas là qu’il va les laisser traîner.
Mais je finis par craquer. A minuit 20, les doigts tremblants, en apnée totale, j’ouvre lentement le petit tiroir.
Je ne sais pas ce que j’espère trouver ou ne pas trouver. Une photo, un mot, une boîte de capotes, un emballage de capote déchiré. Mais une fois le tiroir ouvert, je me sens soudainement très con. Car je ne retrouve rien de tel. Juste quelques papiers, des tickets de carte bleue, des chewing-gums, des pansements, deux paquets de cigarettes. Mais rien qui pourrait me faire mal. Non, pas de capote.
Je reprends alors ma respiration, soudainement rassuré.
Un apaisement qui ne dure qu’un instant, car très vite d’autres questions prennent le relais.
En fait, l’absence de capotes peut être interprétée de plusieurs façons. Soit, il ne couche pas ailleurs, et il est donc fidèle. Soit il fait ça sans se protéger. A ce compte-là, la bonne nouvelle n’aurait-elle pas été de trouver justement des capotes ?
Je referme le petit tiroir en prenant garde de le remettre dans la position d’origine.
A 1 heure 30, je tombe de fatigue. Mais je me dis que je vais l’attendre quand même.
Je finis par m’assoupir, habillé, la lumière allumée. J’émerge à 3 heures, et je réalise que je suis toujours seul comme un con. Je suis dans les vapes mais je commence vraiment à m’inquiéter. Au point que je ne peux pas m’empêcher de l’appeler. Je tombe direct sur sa messagerie. Il a peut-être éteint son portable. Ou ça ne passe pas. Bizarre, à Paris. Ou il n’a peut-être plus de batterie.
Plus les minutes passent, plus l’inquiétude me prend aux tripes. J’étouffe dans ce petit appart. J’ai envie de sortir, d’aller le chercher. Jérém ne m’a pas dit où il allait prendre un verre, mais je ne vois pas d’autres endroits que le Pousse. A cette heure-ci, il n’y a plus de métro. Tant pis, je vais prendre un taxi, même si ça va me coûter une fortune.
Je suis au beau milieu de toutes ces cogitations, lorsque le bruit du déverrouillage de la serrure retentit dans le petit espace et dans le silence nocturne. La porte s’ouvre et mon bobrun est là. Il est 4 heures et quelques minutes.
« Salut, champion ! » je lui lance en prenant sur moi pour ne pas lui demander pourquoi il rentre si tard alors que je l’attends depuis 5 heures du matin, soit depuis presque 24 heures.
« Salut » il me répond.
Je l’entends à sa voix, je le vois dans ses mouvements, je l’entends à l’odeur qu’il traîne avec lui : mon Jérém est passablement éméché, et pas qu’avec de l’alcool. Le pétard a fait partie de sa troisième mi-temps.
« C’est quoi ça ? » il me demande, le regard figé sur le plat de pâtes qui lui était destiné et qui trône toujours sur la table.
« Des pâtes… ».
« Ah » il fait, sur un ton comme hébété.
« Je pensais que tu rentrerais plus tôt, je t’avais préparé à manger ».
« J’ai mangé ».
« J’ai voulu essayer de te faire plaisir ».
J’ai envie de lui dire que je suis déçu qu’il ne soit pas rentré plus tôt, qu’il ait préféré passer autant de temps avec ses potes, alors que les heures à partager tous les deux nous sont comptées.
Mais je renonce à tout affrontement. Il est tard, nous sommes tous les deux fatigués et j’ai trop de peur d’un clash. Je décide que je lui parlerai demain à tête reposée de tout ce qui me tracasse.
Je le regarde poser son sac en silence, titubant, l’air pensif.
« Et moi je t’ai laissé dîner seul » je l’entends lâcher, tristement.
J’ai l’impression de ressentir dans ces quelques mots une sorte de regret de ne pas être rentré plus tôt, alors que je m’étais donné du mal pour lui faire plaisir. J’ai l’impression qu’il ne s’attendait pas à ça, et que ça le touche.
« C’est pas grave. Je t’en referai » je désamorce ce petit malaise.
« Et le match, alors ? » j’enchaîne.
« C’était génial ! J’ai marqué deux essais ! » il me lance, soudainement requinqué par l’évocation de ses exploits.
« Je suis content, vraiment très content pour toi » je le félicite, tout en m’arrachant du clic clac pour aller le prendre dans mes bras, et lui faire des bisous. Mais Jérém ne semble pas être d’humeur pour ça.
« Je vais me brosser les dents » il me glisse, en se dérobant de mon accolade, et en disparaissant dans la salle de bain.
Il revient une poignée de minutes plus tard, dans la même tenue que la veille, boxer et tous pecs, abdos et tatouages dehors. Il revient en provoquant en moi le même intense, brûlant désir de l’avoir en moi, de me sentir possédé par son manche viril, de le sentir vibrer de plaisir, d’être rempli de sa semence chaude.
Hélas, le même scénario de la veille se répète également. Mon bobrun n’est pas du tout réceptif à ça, et il n’envisage pas de faire l’amour avec moi ce soir non plus. Bien sûr il est tard, bien sûr il est fatigué.
Ceci-dit, personne ne l’a obligé à rentrer si tard. Bien sûr il avait cette victoire à fêter. Mais j’avais espéré qu’on la fêterait un peu tous les deux aussi.
Oui, depuis la veille je n’ai cessé de me réfugier dans l’idée qu’il suffirait que le match du week-end se passe bien pour que je retrouve comme par enchantement le Jérém de mon premier voyage à Paris.
Or, le match s’est très bien passé. Et pourtant, Jérém ne semble pas plus serein que la veille. Son attitude vis-à-vis de moi n’a pas changé, la distance entre nous n’a pas disparu.
Jérém se couche, éteint la lumière, se tourne de son côté et se prépare à dormir sans ressentir le besoin du moindre bisou, sans le moindre « bonne nuit ». Décidemment, c’est de pire en pire, et même pire que ce que je pouvais imaginer.
Je me dis que si même notre complicité sensuelle s’est fait la malle, il ne nous reste vraiment plus rien à partager. A ce compte-là, je me demande ce que je fais encore à Paris, dans son appart, dans son lit. Pourquoi rester si nous ne discutons pas, si nous ne nous câlinons pas, si nous ne faisons pas l’amour non plus ?
J’ai envie de partir sur le champ. J’ai envie de voir sa réaction. Est-ce qu’il me retiendrait ? Mais il est tard. Je me dis que je vais essayer de dormir un peu et que demain matin je vais partir à Montparnasse et monter dans le premier train pour Bordeaux. J’ai envie de pleurer. Je suis tellement mal que je n’ai même plus la force de réclamer un bisou ou pour souhaiter une « bonne nuit » en premier.
Bien évidemment, j’ai tout autant de mal à m’endormir que la veille. Au bout d’une heure, j’ai toujours les yeux grands ouverts dans le noir. Je n’arrive pas non plus à savoir si Jérém dort ou non. Il n’a pas bougé d’un poil depuis qu’il a éteint la lumière. Mais j’ai beau tendre l’oreille, je n’entends pas sa respiration typique de sommeil.
Sur ce, son tel se met à vibrer à nouveau. Dans le noir et le silence, son frémissement sur la petite table de nuit résonne dans l’appart avec la brutalité d’une sirène rapprochée. Mon cœur s’emballe, se met à taper à mille à la seconde. Encore ?! Je ne sais plus quoi faire, penser, imaginer.
J’avais raison, Jérém ne dort pas. Au bout d’une demi seconde à peine, il essaie de l’attr, le fait tomber au sol, ce qui provoque un autre bruit assourdissant. Il peste, allume la lampe de chevet, se penche pour le récupérer et l’éteint avec des gestes fébriles et agacés. Puis, il éteint la petite lampe et s’allonge à nouveau, sans un mot.
« Mais c’est qui ? » je ne peux me retenir de lui demander, à bout de forces, de fatigue, de tristesse, de désespoir.
« Personne ».
« Quoi personne, ça doit bien avoir un prénom, non ? ».
« T’occupe pas de ça. C’est ma vie ».
« Et ça ne me regarde pas, c’est ça ? ».
« Je suis fatigué, ne me saoule pas ».
« Ou ça va mal se passer » c’est la suite que j’imagine pour ses mots. Une suite que Jérém ne prononce pas, mais qui résonne très dangereusement dans ma tête.
Alors je renonce une dernière fois à l’affrontement, je prends sur moi encore et encore.
Je pleure en silence, en essayant d’ les sanglots qui secouent mon corps par moments. Et ce n’est qu’en me promettant à moi-même que le lendemain je lui parlerai frontalement avant de me tirer et j’assumerai ses réactions et ses choix, même si douloureux pour moi, que j’arrive enfin à fermer l’œil.

Dimanche je me réveille très tôt, beaucoup trop tôt, alors que je me suis endormi très tard. Il n’est même pas 7 heures. J’ai dû dormir tout juste deux heures. Autant dire que je suis KO. Et bien sûr, je n’arrive pas à retrouver le sommeil. Cette histoire de coups de fil me mine.
Jérém, lui, semble dormir du sommeil du juste. Après ses exploits de la veille, il s’autorise une grasse matinée.
Il est tellement beau dans son sommeil ! Je caresse longuement du regard ses épaules et le haut de ses pecs dépassant de la couette, je m’imprègne insatiablement de ses beaux traits de mec. Mais si j’adore autant le regarder dormir, c’est aussi pour une autre raison. Car, pendant ce temps, mon bobrun ne peut pas faire de bêtises ou des choses qui me feraient mal. Pendant qu’il dort, il est là, avec moi, entièrement avec moi. Il n’y a que ses rêves qui m’échappent. Je donnerais cher pour savoir ce qui se passe dans sa jolie tête.
Et je suis bien décidé à en savoir davantage. Je ne partirai pas avant d’avoir pu lui parler et avoir entendu ce qu’il a à me dire.
J’étouffe dans ce petit appartement. A 7 heures 45, après avoir laissé un mot bien en vue lui demandant de m’appeler à son réveil, je sors faire un tour.

Le jour se lève tout juste et, tout comme la veille, la capitale se réveille sous une pluie battante et balayée par un petit vent froid. Je prends un café dans un bar, puis dans un autre, et dans un autre encore. A dix heures du mat, j’erre en ville tel un zombie imbibé de caféine. Et je n’ai toujours pas de message de mon Jérém. Je me dis qu’il doit toujours dormir.
A 11 heures, je rentre à l’appart avec des chocolatines et des croissants, bien décidé à le réveiller avec l’odeur d’un café que je lui préparerai avec amour. Un geste qui, j’essaie de m’en convaincre, saura le toucher et lui donner envie de revenir vers moi.
Mais comme rien ne se passe jamais comme on l’avait imaginé, lorsque j’arrive à l’appart, Jérém n’est plus endormi, mais sous la douche.
« Tu n’as pas vu mon mot ? » je lui demande lorsqu’il sort de la salle de bain, les cheveux encore humides, répandant dans l’air un délicieux parfum de déo.
« Quel mot ? ».
« Le mot dans lequel je te disais de m’appeler quand tu serais réveillé » je lui lance en lui montrant le papier que j’avais laissé bien en vue sur la table.
« J’ai pas vu » il balaie la question d’un revers de main.
« Bonjour, quand-même ! » je lui lance, tout en essayant de réfléchir à quand et comment je pourrai lui parler.
« Bonjour » il lâche, avant d’enchaîner « J’ai rien à bouffer, on se fait un resto ce midi ».
Sa proposition de se faire un resto contrarie mes plans et reporte à plus tard cette mise au point dont j’ai besoin. Mais d’un autre côté, l’idée de nous faire un resto tous les deux me fait plaisir.
Evidemment, il choisit un petit resto à côté de chez lui, histoire d’être discret. J’imagine qu’il veut éviter le risque d’aller en ville et de croiser de gens qui pourraient le reconnaître et d’être vu en ma compagnie. Je comprends ses inquiétudes. Mais c’est dur à encaisser. C’est dur car je vois dans son choix de resto une sorte d’aperçu de notre future relation. Une relation dans laquelle je serai toujours celui qu’on cache.
Mais ses précautions ne sont à l’évidence pas suffisantes. Pendant que nous mangeons, sans presque échanger de mots d’ailleurs, deux gars approchent de notre table.
« Bonjour » ils lancent, surtout à l’intention de Jérém.
« Bonjour » fait ce dernier, surpris.
« Désolé de vous embêter » fait l’un d’entre eux « mais vous êtes bien Tommasi du Racing ? ».
Jérém affiche une expression entre surprise d’avoir été reconnu, fierté qu’on vienne le voir en tant que joueur, et certainement une gêne un peu irrationnelle mais irrépressible pour le fait que je sois là avec lui.
« C’est bien moi » fait Jérém froidement.
« On vous a vu jouer hier à Périgueux et on voulait vous dire que vous êtes un sacré bon joueur ».
« Merci ».
« C’est nous qui vous disons merci pour ce que vous faites pour l’équipe ».
« On essaie de donner le meilleur, même si ce n’est pas toujours évident ».
« Vous vous en sortez plutôt pas mal. Avec des joueurs comme vous et Ulysse Klein, on s’autorise de nouveau à croire que le Racing pourrait remonter en première division ».
« On y travaille » mais il y a encore du taf » refait Jérém, visiblement flatté.
« Allez, on vous laisse manger tranquille. Bonne journée ».
« Bonne journée ».

« Putain, on n’est tranquille nulle part » me lance Jérém, dès que les deux supporters se sont suffisamment éloignés pour ne pas l’entendre.
« Ça ne te fait pas plaisir qu’on te reconnaisse et qu’on te dise que tu es un bon joueur ? ».
« Si… mais… ».
« Mais quoi ? ».
« Rien ».
« Mais tu n’as pas envie qu’on te voie avec ton « cousin », c’est ça ? ».
« Mais tais-toi ».
Nous terminons le déjeuner dans un silence pesant. Je me demande à quel moment je vais trouver le courage de prendre entre quatre yeux et de lui parler de mes inquiétudes et de mon malaise. Je me dis que je le ferai dès notre retour au petit appart. Je me dis que je vais devoir à tout prix garder mon calme, tout en me préparant à encaisser le pire. Je dois aussi me tenir prêt partir de chez lui avant que ça aille trop loin.
Lorsque nous sortons du resto, il pleut à seau. La seule option, du moins la seule envisagée par Jérém, est de rentrer à l’appart. Je le suis, la mort dans l’âme. Car le moment de la mise au point, que je pressens douloureuse, approche à grand pas. J’ai le cœur qui bat à tout rompre, j’ai peur, j’en tremble.
Nous franchissons l’entrée de l’immeuble, nous prenons l’ascenseur, nous passons la porte du studio dans un silence lourd et angoissant. Jérém se tient là, devant moi, beau comme un Dieu, son déo m’hypnotise, mais la distance entre nous semble insurmontable.
« Jérém » je lui lance, en prenant mon courage à deux mains.
Mais alors que j’essaie toujours de trouver les mots pour amorcer une discussion périlleuse, Jérém se retourne vers moi, il approche et me prend dans ses bras. Il me serre très fort contre lui et me chuchote :
« Je suis désolé ».
Passé le premier instant de surprise, et en arrivant tant bien que mal à contenir l’émotion que cette attitude inattendue vient de provoquer en moi, je le serre à mon tour dans mes bras et je plonge direct mon visage dans le creux de son cou. Je suis tellement heureux, je suis au bord des larmes. Car je suis en train de vivre cet instant tant attendu, un instant que je désespérais de voir venir ce week-end, et peut-être plus jamais, l’instant où Jérém reviendrait vers moi. Mon cœur est plein de joie.
Je suis tellement ému que je n’arrive pas à prononcer le moindre mot. Je le serre un peu plus fort encore dans mes bras, comme pour l’empêcher de s’éloigner à nouveau. Et je ne peux retenir mes larmes.
« Je suis désolé, pour tout » il continue « Pour hier, pour l’autre soir, pour les dernières semaines. Je ne voulais pas te faire de la peine. J’étais sous pression, j’étais vraiment à bout. Tu peux pas savoir à quel point ça me prenait la tête. Le match d’hier est le premier que je réussis depuis longtemps ».
Je suis si tellement content que Jérém me parle enfin !
« Tu m’as tellement manqué, p’tit loup ! » j’arrive enfin à lâcher, la voix tremblante.
« Toi aussi tu m’as manqué… ourson » je l’entends me chuchoter.
Ah, et en plus c’est le retour de « Ourson ». Là, je fonds carrément. Je suis tellement heureux que je crois rêver.
« Je suis content que tu sois là » il continue.
« C’est vrai ? ».
« Bien sûr que c’est vrai ».
« Mais tu ne voulais pas que je vienne ».
« Je te l’ai dit, je n’étais pas bien. Mais quand je t’ai vu, j’étais super content ».
« Tu ne me l’as pas vraiment montré depuis l’autre soir ».
« Tu as débarqué alors qu’Ulysse était là. Lui ça va, il n’est pas casse couilles. Mais il aurait pu y avoir d’autres gars, qui auraient trouvé ça louche et qui m’auraient fait chier ».
« Tu crois qu’ils se doutent de quelque chose ? ».
« Je ne veux pas savoir. Je veux juste être discret et faire en sorte qu’ils ne se posent pas de questions ».
Quelques instants plus tard, le bogoss m’entraîne vers le clic clac, m’invite à m’allonger, se glisse sur moi, et il me couvre de bisous fougueux et fébriles, de caresses douces et sensuelles.
Soudain, je vois tout sous un nouveau jour. Finalement, ces coups de fil à toute heure venaient peut-être vraiment de ses potes. J’ai toujours envie de lui parler de certains trucs, comme du fait de m’éloigner de sa vie quand il a des problèmes, ou la fréquence de nos retrouvailles. Mais cette mise au point, bien que toujours très nécessaire, est devenue soudainement moins urgente, et je la remets à plus tard. Je sens qu’après le pas que Jérém vient de faire envers moi, elle se fera plus facilement, et avec plus de sérénité.
Pour l’instant, j’ai envie de me laisser porter, de profiter du moment.
Sa langue excite mes tétons, ses lèvres parcourent mon torse, embrasent mon désir. Ses doigts se glissent dans l’élastique de mon boxer pour dégager délicatement ma queue de sa prison de coton, et mon excitation grimpe jusqu’à des sommets inouïs.
En ce dimanche après-midi gris, froid et pluvieux, je retrouve le Jérém chaud de sensualité et brûlant d’amour, le Jérém de Campan. Et ça me rassure drôlement.
Sa langue cherche mon gland, le titille, l’agace, s’enroule autour. Ses lèvres le cernent pendant un instant, puis glissent le long de ma bite. Elles lancent alors une cadence de va-et-vient qui, couplés aux caresses de ses doigts sur mes tétons, me font m’envoler vers un univers de plaisirs rarement atteint.
Jérém joue avec mes sens, il flirte dangereusement avec la montée de mon plaisir. Mais il maîtrise cela terriblement bien, il est capable de faire monter l’excitation, de la maintenir, de la faire redescendre un peu, de recommencer encore et encore. Bref, de faire durer le plaisir, et de préparer un orgasme d’autant plus géant.
Ses lèvres quittent ma queue incandescente de plaisir. Ses mains saisissent mes mollets, font pivoter légèrement mon bassin vers l’avant. Sa langue s’insinue entre mes fesses, cherche mon trou, le trouve aussitôt, et elle commence à faire tour à tour des ronds appuyés, des pressions de plus en plus déchaînées, comme si elle voulait me pénétrer profondément.
Et voilà, Jérém a réussi le tour de force de me donner deux plaisirs aussi intenses qu’opposés, à me désorienter totalement, à me faire sentir déchiré entre l’envie de jouir au plus vite et de m’offrir à lui sans conditions.
Le bogoss tranchera à ma place. Et c’est encore en agrippant mes mollets avec ses mains puissantes, en les posant sur ses épaules musclées, qu’il s’enfonce en moi, lentement, fermement, avec une attitude à la fois très douce et très virile. Le plaisir circule entre nos deux corps comme un fluide, comme de l’énergie pure. Définitivement, nos corps sont faits pour s’emboîter, tout naturellement. Compatibilité parfaite.
Sa queue bien enfoncée en moi, Jérém s’allonge sur mon torse et me serre fort contre lui. Il pose quelques bisous sur mon cou et mon oreille et me chuchote :
« Qu’est-ce que j’aime te faire l’amour… ».
« Qu’est-ce que j’aime quand tu me fais l’amour ! » je lui réponds, comme une évidence.
Le bogoss commence à me limer, lentement, en douceur, tout en continuant à me faire des bisous.
Lorsqu’il relève son buste, c’est en soulevant mes cuisses avec ses mains, et en prenant appui dessus, qu’il parvient à envoyer des coups de reins plus puissants. Ses mains et ses bras puissants me manipulent à leur guise. J’adore cette sensation de me sentir « à la merci » d’un mâle aussi puissant.
Je vois le plaisir s’afficher sur son visage, et se manifester à travers des attitudes de son corps, soupirs, frissons, petits gestes incontrôlés. Voir et sentir mon Jérém prendre son pied, je crois que je ne connais pas de plaisir plus intense.
A un moment, j’ai l’idée de passer un oreiller sous mes cuisses. Ce qui permet à mon bobrun de continuer à me limer sans avoir à maintenir la position de mon bassin. Ses mains, ainsi libérées, ne tardent pas à m’offrir mille caresses sensuelles autour de mes tétons. Mais aussi à agripper mon bassin, mes hanches, mes cuisses, en quête de différents appuis pour varier la cadence de ses coups de reins.
Son attitude de jeune mâle fougueux et assuré de sa puissance virile m’offre le plus intense des plaisirs, celui de me faire sentir à lui, intensément à lui. Un plaisir qui est renouvelé à chaque fois que mon Jérém me fait l’amour.
Un plaisir qui prend encore une nouvelle dimension aujourd’hui lorsque je me rends compte que mon bobrun a carrément cessé d’envoyer des coups de reins et que ce n’est plus sa queue qui coulisse en moi, mais que c’est moi qui coulisse sur sa queue. Un exploit rendu possible par la présence de ses mains saisissant mon bassin et par l’effet des mouvements de va-et-vient envoyés par ses biceps puissants.
Ah, putain de mec, comment il sait me faire sentir à lui, en me faisant l’amour !
Et à en juger par les petits frémissements qui traversent son visage, par sa respiration profonde et régulière, par ses paupières de plus en plus lourdes, le bogoss prend bien son plaisir.

[Au début des révisions avant le bac, Jérémie adorait baiser Nico. Il prenait son pied comme jamais, et le fait « de faire le mec » ne mettait pas en cause son statut de « mâle ».
Puis, peu à peu, et en particulier pendant la semaine magique, il avait découvert le bonheur de faire l’amour à Nico. Il avait réalisé qu’il aimait voir Nico prendre du plaisir, même si encore à ce moment-là le plaisir de Nico n’était qu’une « conséquence » de son propre plaisir à lui.
Mais depuis Campan, depuis qu’il avait réussi à accepter que son attirance et son plaisir le dirigeaient vers ce petit gars, il adore faire l’amour avec Nico. Il adore lui offrir du plaisir. L’embrasser, lui faire des câlins, lui caresser les tétons, qu’il sait si sensibles, le pénétrer juste pour le faire jouir plus fort.
Mais aussi s’occuper de sa queue, lui offrir un plaisir différent, faire ressortir son côté « p’tit mec ».
Oui, Jérémie adore sentir le désir de Nico, et voir son corps exulter de plaisir au contact du sien quand il le prend, quand il le lime, quand il jouit en lui. Et, désormais, il aime tout autant voir Nico jouir.
Mais ce qu’il aime aussi, et de plus en plus, c’est de se retrouver dans les bras de Nico après le plaisir, de retrouver de la tendresse, de la douceur, de l’amour. Car ça, le fait de s’abandonner en confiance dans les bras de l’autre après l’amour, ça fait sacrément du bien. Il n’avait jamais ressenti cette sensation avant Nico].

Lorsque je vois sa tête partir légèrement vers l’arrière, ses épaules et ses pecs s’ouvrir, sa pomme d’Adam s’agiter de plus en plus frénétiquement, je sais que mon Jérém ne va pas tarder à jouir.
Mais alors que j’attends avec impatience de pouvoir observer son corps et son visage secoués par l’orgasme, le bobrun s’allonge sur moi. Et là, tout en continuant à me limer lentement, il m’enserre dans ses bras et m’embrasse doucement.
Lorsque son orgasme vient, le bogoss s’abandonne sur moi de tout son poids, il enfonce son front dans le creux de mon épaule, tout en lâchant un bon râle puissant, qu’il arrive à contenir avec difficulté.
Mais son orgasme à lui n’arrive pas seul. Les petits frottements du relief de ses abdos sur mon gland hyper excité suffisent à déclencher le mien. Ainsi, mes giclées incontrôlées se glissent entre nos torses. Elles sont puissantes, car l’excitation a provoqué une grande montée en pression. Au gré des mouvements de mon bobrun, l’une d’entre elle arrive même à se faufiler un passage pour aller atterrir sur son menton.
Rempli de son jus chaud, repu de plaisir, je me dis que je viens de connaître l’un des orgasmes les plus intenses de ma vie.
« Eh ben, quelle puissance ! » il se marre.
« Tu peux pas savoir comment tu m’as chauffé ! » je lui lance, fou de bonheur.
« Et toi, tu m’as pas chauffé peut-être » il me lance à son tour, la respiration encore profonde et essoufflée.
« Je n’ai rien fait ».
« Tu m’excites grave, Nico ».
« Et toi, donc ? Avec ce corps et cette gueule… et cette queue… ».
Le bogoss sourit, visiblement flatté. Il se déboîte, s’allonge à côté de moi et me prend dans ses bras. Ah putain, comment l’étreinte de ses bras après l’amour m’a manqué ! Je la retrouve avec un immense bonheur. A cet instant précis, je me sens tellement bien, je recommence à prendre confiance… en Jérém, en nous.
« C’était trop bon, trop bon… » il s’exclame.
« Oh que oui… » je lui confirme.
« Je crois qu’on a joui ensemble ».
« Je te confirme » fait le bogoss, en se levant du lit et en s’approchant de la fenêtre pour fumer sa cigarette « après l’amour ». Une cigarette à la forme et à l’arôme pas vraiment conventionnels.

Une minute plus tard, Jérém écrase son mégot et revient au lit. Il s’allonge sur le ventre, m’offrant la vision spectaculaire et excitante de son beau dos musclé et de ses fesses rebondies.
« J’ai mal au dos » il me lance.
« Où ça ? ».
« En bas du dos ».
« Là ? » je le questionne, en me faufilant entre ses cuisses musclées et en posant mes doigts dans le creux de son dos.
« Un peu plus bas, entre les reins » il me guide « là… un peu plus bas… là, c’est là… tu peux appuyer plus fort ».
Sans avoir la moindre notion de ce qu’il faut faire pour soulager un mal de dos, je m’évertue à improviser un massage aux gestes aléatoires et à la technique farfelue.
« Ça te fait du bien ? ».
« Ça va, c’est agréable ».
« Je continue alors… ».
« Oui, continue ».
Je continue de le masser, en improvisant chaque geste, leur vitesse, leur pression. Je suis tellement heureux de retrouver notre complicité, à tous les niveaux.
Dehors il pleut toujours, le ciel est toujours aussi gris, si ce n’est plus, que la veille. Et pourtant, depuis quelques heures, mon monde a retrouvé de si belles couleurs !
Le bobrun semble apprécier mes efforts pour le soulager et le détendre. Quant à moi, j’aime lui faire du bien. Mais au bout d’un moment, cette proximité avec son beau cul et de ses cuisses écartées provoque en moi une réaction incontrôlable. Je bande comme un âne. J’ai très envie de lui. J’ai envie de le prendre, j’ai envie de jouir en lui.
Alors je décide de tester son envie à lui. Je pose mes mains sur ses fesses, je les écarte doucement, et je laisse mon gland effleurer son trou.
Le petit frisson qui secoue son corps, ainsi que le petit ahanement qui s’échappe de sa bouche sont autant de signes encourageants. Oui, le bogoss a envie.
Mais avant de m’aventurer dans son intimité, je prends le temps de titiller longuement son trou avec ma langue. Et ce n’est que lorsque je le sens vraiment bien excité que je me décide à glisser à nouveau mon gland entre ses fesses. Ses muscles cèdent peu à peu, s’ouvrent et se resserrent autour de mon gland. Et je m’enfonce en lui lentement, en savourant les mille frissons offerts par ce délicieux voyage qu’est la pénétration, tout en m’arrêtant à chaque fois que son corps me le demande.
Après avoir posé un long chapelet de bisous autour de son cou, je commence à le limer.
D’abord un peu tendu, le bogoss se lâche peu à peu. Son corps prend du plaisir et il le montre. Par le changement de sa respiration, des ahanements, des frissons, des petits gestes incontrôlés.
A chaque fois que je prends Jérém, c’est toujours la même incrédulité qui envahit mes pensées. Quand je regarde ce corps musclé, ses tatouages, sa chaînette, tous ces signes de virilité, j’ai toujours autant de mal à croire que je suis en train de lui faire l’amour. De lui faire l’amour en tant qu’actif. Et que dans quelques instants, moi qui ai pendant longtemps pensé que je serais toujours son passif, je vais jouir en lui. Oui, j’ai toujours du mal à réaliser qu’il ait envie de ça.
J’aimerais tellement savoir comment Jérém ressent le fait de s’offrir à moi. J’aimerais savoir si son plaisir ressemble au mien. Et j’aimerais savoir par quel cheminement un mâle comme lui, bien actif et un tantinet macho à la base, a pu avoir l’envie de se faire prendre, et comment il a pu l’assumer.
Je me dis que, peut-être, quand l’amour est là, quand la confiance est là, il n’y a plus d’actif, il n’y a plus de passif, il ne reste que le plaisir qu’on s’offre mutuellement et qui est immensément plus grand que les plaisirs qu’on prend chacun de son côté quand on ne fait que baiser.
« Je vais pas tarder à jouir » je le préviens, lorsque je sens l’orgasme approcher.
« Vas-y, petit mec, fais-toi plaisir » je l’entends me chuchoter.
Il me suffit alors d’une poignée de coups de reins pour me sentir perdre pied. Je sens mes giclées s’échapper de mon corps, chaque éjaculation laissant dans mon bas ventre une sensation croissante de plaisir et de chaleur. Je n’en finis plus de jouir, j’ai l’impression que toute mon énergie vitale est en train de me quitter pour aller se loger dans le beau cul musclé de mon bobrun.
Je finis par m’abandonner sur lui, épuisé, vidé de toute énergie.
« Ça va ? » il m’interroge en se déboîtant de moi.
« C’était tellement bon » j’arrive à soupirer, à bout de mes forces.
« Tu as l’air KO… ».
« C’était tellement intense… ».
« Bon petit mec ! » il me lance, en claquant un bisou sur ma joue, avant de partir s’allumer une nouvelle cigarette à côté de la petite fenêtre.
Le bogoss fume en silence. Et moi je le regarde en silence. Je regarde le gars que j’aime. Le gars qui vient de se donner à moi. Le gars qui a ses peurs, ses contraintes, et une grande pression à gérer. Mais aussi le gars qui a tant changé pour moi. Je regarde le mec que j’aime, et vis-à-vis de qui, je m’en rends compte désormais, j’ai été injuste.
« Qu’est-ce qu’il y a ? » me questionne le bobrun lorsque son regard finit par croiser le mien.
« Tu es beau… » je lui lance.
« Toi aussi tu es beau ! » fait Jérém en écrasant son mégot et en me rejoignant au lit.
« Je veux dire » je précise ma pensée, ému « que non seulement tu es vraiment un beau mec… mais que tu es beau… là aussi … (je pose ma main sur son cœur) et c’est pour ça que je t’aime, Jérémie Tommasi… ».
« Mon petit Ourson d’amour » je l’entends me chuchoter, alors que ses bras m’enlacent et me serrent très fort contre son torse.
Bercé par son souffle et par la chaleur de sa peau, enivré de bonheur, je finis par m’assoupir.

Mais ma sieste est de courte durée. La présence de quelque chose de dur et de chaud entre mes fesses me ramène assez rapidement à la veille.
« Oh, Jérém… tu as encore envie ? ».
« T’inquiète, je comprendrais que tu ne veuilles pas ».
« Je ne te dirai jamais non… ».
« Ça m’arrange bien, parce que j’ai vraiment envie de te refaire l’amour » je l’entends me glisser à l’oreille, avec une intonation coquine qui fait grimper mon excitation en flèche. Je bande vite, je bande dur.
« Alors, fais toi plaisir, beau mec ! ».
Son gland trouve l’entrée de mon intimité du premier coup. Sans trop forcer, il se faufile entre mes muscles dociles et offerts. Le beau mâle recommence à me pilonner. Ses assauts font écho à ceux que mon corps a reçus même pas une heure plus tôt, et me rappellent, si besoin était, à quel point mon Jérém est une bête de sexe. Je sens que je vais encore porter son souvenir dans ma chair pendant des jours, comme la dernière fois, et cela contribue à augmenter mon excitation.
Mon plaisir monte au fil de ses va-et-vient, tout comme mon envie de recevoir une nouvelle salve de son jus de mâle.
« Tu prends ton pied, bogoss ? » j’ai envie de l’exciter.
« Je prends toujours mon pied quand je suis dans ton petit cul… ».
Le bogoss vient tout juste de lâcher ces mots qui ont le pouvoir de me chauffer à bloc, lorsque quelque chose d’inattendu et d’extrêmement désagréable se produit.
La sonnette de l’appart retentit dans la petite pièce, comme un coup de tonnerre inattendu. J’ai l’impression de recevoir une décharge électrique à haute tension, et que le son aigu transperce mes oreilles et mon cerveau.
Jérém stoppe net ses coups de rein, sans se déboîter en moi.
« Tu attends quelqu’un ? » je le questionne.
« Pas du tout. Je pense que c’est une erreur. Ou des cons qui s’amusent. Ça arrive parfois. Si on ne fait pas de bruit, ils vont penser qu’il n’y a personne à faire chier et ils vont repartir » il me chuchote tout bas.
Jérém vient tout juste de me donner cette explication trop bien argumentée pour être réaliste, lorsque la sonnette retentit à nouveau, et avec plus d’insistance. Je sens mon cœur s’emballer. Et je le sens carrément se décrocher de ma poitrine lorsque j’entends une voix féminine se manifester.
« Jérémie… Jérémie ! Je sais que tu es là, j’ai vu la lumière à ta fenêtre ».
Jérém se déboîte de moi et me fait signe de me taire.
La nana insiste, elle tape à la porte, elle l’appelle sans cesse.
« Je ne partirai pas tant que tu ne viens pas me parler ».
Et là, je vois Jérém se lever, la queue encore raide, la peau brillante de transpiration, la respiration haletante. Je le regarde passer un t-shirt blanc à la va vite et essayer de cacher sa queue raide dans un jeans, sans trop de succès.
« C’est qui ? » je lui demande, inquiet de sa réponse tout autant que de son silence.
« Nico… va dans la salle de bain » il me lance, alors que la sonnerie reprend de plus belle.
« De quoi ? ».
« Je t’expliquerai plus tard… promis… va dans la salle de bain ».
Je suis abasourdi face à sa demande. Je suis pris au dépourvu, je ne sais pas quoi penser, quoi faire.
« S’il te plaît » il me répète, la voix suppliante et le regard paniqué.
Alors, complètement déboussolé, je finis par m’exécuter. Je m’enferme dans la salle de bain, sans prendre le soin d’amener avec moi le moindre vêtement.
« Salut beau toulousain… » j’entends la nana saluer Jérém.
Les murs sont fins, l’appart petit. Alors, j’entends tout ce qui se dit, comme si j’étais présent. Je trouve que la nana a une voix mielleuse, et j’ai le sentiment qu’elle essaie de draguer mon mec. Je ne l’ai pas vue mais je la déteste déjà.
« Salut » fait Jérém, sèchement « mais comment tu es rentrée ? ».
« La porte de l’immeuble était ouverte ».
« Mais qu’est-ce que t’es sexy… » elle enchaîne.
J’ai la nette impression qu’elle essaie de le chauffer. Je crois que je vais la .
« Alors, tu ne me fais pas rentrer ? ».
« C’est pas possible là… ».
« Tu n’as pas oublié comment c’était bien l’autre soir, j’espère… ».
« Ecoute, je te l’ai déjà dit, il faut passer à autre chose ».
Et là, en quelques secondes, tout s’effondre autour de moi. Je me tiens devant le miroir, les deux mains tremblantes et nerveusement agrippées aux bords du lavabo. Et je fixe l’idiot, le naïf, l’imbécile que je suis. Comment ai-je pu croire que Jérém pourrait tenir plus d’un mois sans se taper une pouffe ? Comment ai-je pu croire qu’il changerait, que je pourrais lui faire confiance ? Comment ai-je pu m’attendrir sur ses problèmes, alors qu’apparemment il ne m’a pas attendu pour se changer les idées ?
« Mais je ne te demande pas de me passer la bague au doigt, j’ai juste envie de prendre du bon temps avec mon rugbyman préféré ».
« Tu devrais partir » j’entends Jérém lui lancer, sur un ton agacé, avant d’ajouter « et arrête de m’appeler à toutes les heures ».
La voilà la réponse à la question qui me taraude depuis presque deux jours. Ses potes qui l’appellent, c’est ça !
« J’ai eu du mal à me procurer ton numéro, alors je m’en sers ! ».
« Dis-toi bien que si je ne te l’ai pas demandé, et si je ne réponds pas à tes messages, c’est qu’il y a une raison ! ».
« C’est ça, oui. De toute façon, vous les mecs vous êtes tous des connards, après que vous avez tiré votre coup il n’y a plus personne ! ».
Je suis tellement secoué par ce que je viens d’apprendre que j’en tremble. Lors d’un mouvement incontrôlé, je fais tomber la mousse à raser de Jérém. Le bruit du métal creux sur le carrelage résonne dans la salle de bain de façon assourdissante. Et certainement au-delà.
« C’est quoi ça ? » j’entends la pouffe demander.
« C’est rien ».
« Mais ça y est, j’ai compris… tu baisais une pétasse, là, maintenant ! » je l’entends s’emporter.
« C’est pas une nana, c’est un pote ».
« C’est ça oui, prends-moi pour une conne ! ».
Nu dans la salle de bain, le malaise me tétanise.
« Tu n’es qu’un pauvre type, Jérémie ! Tu me dégoûtes ! » j’entends la voix de la nana résonner et enfin se perdre dans la cage d’escalier.

Un instant plus tard, j’entends le bruit de la porte d’entrée qui se referme. Les secondes passent, je n’arrive pas à bouger. Je n’arrive pas à quitter la salle de bain. Jérém ne vient pas me chercher non plus.
C’est au prix d’un effort presque surhumain que j’arrive à me décrocher du lavabo et à saisir la poignée de la porte.
Lorsque j’arrive enfin à l’ouvrir, je retrouve Jérém en train de fumer à côté de la petite fenêtre, le regard perdu dans la grisaille parisienne.
« C’est qui cette nana ? » je finis par lui lancer, au bout de ma vie, après un long moment de silence.
« Elle est folle ».
« Mais c’est qui ? » j’insiste.
« Personne… ».
« Ce n’est pas personne parce qu’elle te connaît, et plutôt bien apparemment ».
« Laisse tomber ».
« Tu as couché avec ? » je surenchéris, énervé, face à son attitude évasive.
« Nico, écoute… ».
Ces deux mots résonnent à mes oreilles comme un « oui » inavoué et déclenchent une réaction de désespoir.
« Pourquoi tu me fais ça, pourquoi ? ».
« Mais putain, réponds-moi ! » je lui crie dessus, hors de moi, face à son silence insistant.
« Un soir, j’ai trop bu et j’ai craqué » il finit par admettre, en se retournant, le regard sur ses chaussures.
« Et tu comptes craquer encore ? ».
Je me sens aussi mal que le dernier jour où il est venu chez moi après la semaine magique, lorsque, après que nous ayons couché ensemble, une capote s’était échappée de la poche de son short.
« Va te faire foutre ! » je finis par lui lancer, face à son silence coupable.
Je commence à ramasser mes affaires et à me rhabiller.
« Tu fais quoi ? » je l’entends me questionner, sur un ton inquiet.
« Je me casse ».
« Ne fais pas ça Nico ».
« Des potes qui t’appellent à toutes les heures, mon cul, oui ! Pourquoi je suis assez con pour te faire confiance ? ».
« Je suis désolé ».
« Tu as couché quand avec elle ? ».
« Je ne sais plus ».
« Comment tu ne sais plus ?! ».
« Il y a deux semaines environ… ».
Pile là où j’avais senti une distance s’installer entre nous. Putain, je l’avais senti !
« Tu vas voir ailleurs alors que je couche avec toi sans protection !!! » je lui balance, hors de moi.
« Je me suis protégé » il fait, sans la ramener.
« Tu gâches tout, Jérém ! Tu salis tout ce qu’il y a entre nous ! ».
« Tu vois, si je ne voulais pas que tu viennes, c’est parce que j’avais peur qu’un truc comme ça se produise ».
« Si tu ne l’avais pas baisée, elle ne se pointerait pas chez toi te faire un sketch parce que tu ne l’as pas rappelée. Et sinon, c’est la seule ou il y en a eu d’autres ? ».
« C’est la seule ???!!! » je crie face à son silence énervant.
« Non » il finit par lâcher, comme abasourdi.
« Combien ? ».
« Nico… ».
« Combien ?!?! ».
« Deux autres ».
« Pourquoi tu couches à nouveau avec des nanas ? ».
« Parce que si je ne le fais pas, les gars vont croire que je suis pd ».
« Mais tu es pd ! ».
« Peut-être, mais je ne tiens pas à qu’ils le sachent ».
« Tu ne penses qu’aux « qu’en dira-t-on » ! ».
« Si ça se sait, ça va être la cata pour moi. Nico, les nanas sont partout, aux soirées, aux troisièmes mi-temps. Elles ne nous lâchent pas… ».
« Personne ne t’oblige à les baiser ! ».
« Si je ne fais pas comme les copains, je vais attirer l’attention… ».
« Mais tu es censé avoir une copine à Bordeaux, bordel ! ».
« C’était léger comme excuse, et les gars commençaient à ne plus y croire. Et puis, depuis que tu es venu, j’ai eu droit à des allusions. On a été trop imprudents la dernière fois. Enfin j’ai été trop imprudent… ».
Une partie de moi comprend ses arguments. Mais le sentiment de trahison est trop fort pour que je puisse ne serait-ce qu’envisager d’aller dans son sens. Je suis trop en pétard.
« Je n’aurais jamais dû venir te voir ».
« Ne dis pas ça ! Je suis super content que tu sois venu, et je suis sincèrement désolé que t’aies eu à vivre ça ».
« Tu couches qu’avec des nanas ou tu te tapes aussi des mecs ? » je ne peux me retenir de le questionner. Au point où j’en suis, autant tout savoir.
« Mais non ! Tu es le seul ! Tu es le seul à qui je fais l’amour et à qui je laisse me faire l’amour. Tu es le seul avec qui je prends mon pied. Et tu es le seul avec qui je couche sans capote. Avec les nanas, ce n’est rien, c’est juste pour garder les apparences ».
« Ça doit bien te plaire de t’envoyer en l’air ! » je l’attaque, gratuitement. J’ai besoin de me défouler, quitte à taper n’importe comment.
Jérém regarde dans le vide, l’air pensif, triste.

[Oui, Jérémie a couché avec des nanas pour que les gars lui lâchent les baskets. Il n’en pouvait plus des allusions au sujet de sa « copine de Bordeaux », et des moqueries que cela entraînait dans les vestiaires. Et cela avait même empiré lorsque ce con de Léo, toujours lui, avait capté qu’il s’était fait draguer par un gars dans les chiottes d’un bar. Evidemment, il était allé le raconter à tout le monde, ce qui n’avait pas arrangé la situation.
Léo est vraiment chiant avec lui. Jérémie sait que ses moqueries visent à le déstabiliser, car il est jaloux de lui. Au dire d’Ulysse, Léo était l’ailier espoir de l’équipe avant que lui ne débarque. Et depuis son arrivée, il a peur de se faire voler la vedette.
Jérémie essaie parfois de relativiser, de se dire que les railleries de ses potes ne sont au fond qu’une sorte de bizutage. Mais rien n’y fait. Quand ça tombe, dans le vestiaire, sur le terrain, il n’arrive pas à le supporter. Les blagues de ses potes le blessent, car elles visent juste. Il voudrait avoir le répondant et l’humour nécessaires pour en jouer, pour transformer ce bizutage en complicité entre mecs. Il a essayé, mais il n’y arrive pas. C’est un sujet encore sensible pour lui qui commence tout juste à s’assumer en tant qu’homo. Et puis, quand on a quelque chose à cacher, on se sent toujours sur le point d’être découvert et on devient paranoïaque.
Alors, il a fallu leur en mettre plein la vue, leur montrer qu’il pouvait lever autant de nanas qu’il voulait, se tailler un début de réputation de serial baiseur comme à Toulouse, faire un plan à quatre avec deux nanas et Marin, l’un de ses co-équipiers, pour qu’ils lui foutent la paix.
Ce n’est qu’à ce prix-là, qu’il a pu leur clouer le bec. Y compris à Léo.
Jérémie sait qu’il lui faudra entretenir les apparences de temps à autre. Il se dit aussi qu’il doit faire gaffe vis-à-vis de Nico, pour ne pas alimenter les soupçons. Il sait aussi qu’il doit garder Léo à l’œil, comme le lui a conseillé Ulysse. Mais il est persuadé que le plus gros est fait.
Mais il y a aussi une autre raison qui le pousse à coucher avec des nanas. Depuis qu’il est à Paris, ses résultats sportifs ne sont pas ceux qu’il attend. Il se sent perdu, il perd son assurance. Alors, pour retrouver de la confiance en lui-même, il sait qu’il peut chercher ailleurs, dans la séduction, et en trouver à coup sûr.
Et même s’il ne ressent pas de désir pour elles, même si parfois, souvent, il a besoin de penser à Nico pour jouir, le simple fait de se sentir désiré sexuellement ça lui fait du bien. Ça lui change les idées. Et ça le rassure de voir qu’au moins ça, ça ne change pas par rapport à Toulouse.
Aussi, d’une certaine façon, les nanas le « protègent » d’autres tentations qu’il pressent être bien plus dangereuses.
Jérémie a souvent repensé à ce gars qui l’avait dragué dans un bar et qui lui avait balancé : « Ne raconte pas d'histoires, tu n'es pas comme tes potes tu es comme moi ».
Aussi, chaque jour, à chaque entraînement, à chaque vestiaire, il ressent de l’attirance pour la nudité masculine. Et pour une, en particulier.
En se soulageant de temps à autre avec une nana, il a l’impression d’éloigner ces tentations.
Mais Jérémie garde tout cela pour lui. Il sait qu’il ne peut pas en parler à Nico, car ça lui ferait trop de peine.
Malgré la culpabilité qu’il ressent vis-à-vis de Nico, une question taraude l’esprit de Jérémie : est-ce que de son côté il a tenu bon ?].

« Et toi, tu t’es pas fait draguer à Bordeaux ? » j’entends Jérém me lancer de but en blanc.
« Figure-toi que moi aussi je suis pas mal sollicité en ce moment… mais je n’ai jamais craqué… enfin, pas encore » je lâche, sur un ton volontairement provocateur.
Jérém se tait, l’air sonné comme s’il avait reçu en coup de poing en pleine figure. Je le connais un peu désormais, et je connais cette attitude. Il essaie de garder son calme, de faire bonne figure, de dissimuler sa jalousie qu’il n’arrive pas à maîtriser.
« Je n’ai pas craqué et je ne veux pas craquer » je lui lance alors pour essayer de tempérer mon propos, comme une porte ouverte, comme une main tendue.
« Mais tu n’es pas dans le monde du rugby, tu n’es pas à Paris » il lâche sur un ton monocorde, après un moment de silence.
« Et le rugby, les apparences, tout ça c’est plus important que notre relation ? ».
« Le rugby, c’est ma vie ».
« Et il passe avant nous ? ».
« Ecoute, Nico… rien ni personne ne peut nous enlever ce qu’il y entre nous ».
« Et qu’est-ce qu’il y a « entre nous », au juste ? ».
« On est bien ensemble ».
« Mais on n’est jamais ensemble ! ».
« Même si on se voit moins qu’avant, c’est pas pour autant que ce qu’il y a entre nous est moins fort ».
« Et tes coucheries ne sont pas en train de ce qu’il y a « entre nous » ? ».
« La dernière fois tu m’as dit de me protéger s’il se passait quelque chose. Je me suis protégé ».
« Je ne t’avais pas dit ça pour te donner le feu vert pour que tu baises à droite et à gauche ! ».
« Je suis vraiment désolé ».
« Et moi je suis censé faire quoi ? T’attendre, pendant que tu soignes tes relations publiques à grands coups de bite ? Baiser moi aussi de mon côté ? Et dis-moi, ça ne te ferait rien de savoir que je couche avec un autre gars ? ».
« Bien sûr que si, ça me rendrait malade. Mais au vu de ce que je peux te proposer, je n’ai pas le droit de t’en empêcher… ».
« Tu crois que ça va être une situation facile à vivre ? ».
« C’est le moins pire que je peux te proposer pour l’instant ».
« Cet instant va durer ! ».
« Nico, tu n’as pas la pression que je subis… ».
« J’ai des cours, des exams à réussir ! ».
« Je sais, moi aussi. Mais à la fac tu as la pression deux ou trois fois par an. Moi c’est tous les week-ends qu’on me juge, et même en semaine pendant les entraînements. Je n’ai jamais de répit ».
Je me sens tellement retourné que je ne trouve même plus de quoi lui répondre. J’ai juste envie de partir et de pleurer.
« Moi je crois que ce qu’il y a entre nous est plus fort que tout ça » je l’entends me lancer au bout d’un moment, après avoir écrasé son mégot.
« Je ne sais plus quoi penser » je fais, dépité.
« Nico, tu as des attentes, et elles sont tout à fait normales. Le problème c’est que pendant un certain temps, je ne pourrai pas être à la hauteur de ces attentes. Je ne peux pas t’offrir une vie de couple. Je ne peux pas te laisser venir tous les week-ends.
Tu peux penser ce que tu veux, que je suis lâche, que je n’ai pas de couilles, que je suis un connard. Mais, s’il te plaît, ne pense pas que je ne tiens pas assez à toi. Tu comptes beaucoup pour moi ».
« Tu parles ! ».
« Si, tu es quelqu’un de spécial pour m

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